Pourquoi aborder la notion de croyance dans un article dédié au management et aux organisations ? Tout simplement parce que la croyance est l’élément qui nous permet de passer du doute à l’action. Sans croyance, on ne réalise pas ses rêves. Sans croyance, l’envie meurt née.
« Croyance : milieu entre l’opinion et le savoir ». Emmanuel Kant (1724 – 1804)
La croyance est ce qui nous fait passer de l’incertitude à la certitude. C’est grâce à cette croyance qu’on se mettra en action pour réaliser nos désirs ou au contraire les freiner.
Lorsqu’on parle d’évolution radicale d’une organisation, l’envie et la peur se mêlent. Lorsqu’on parle de libérer son organisation ou de la rendre plus organique, il faut une vraie ambition. Mais cette ambition ne deviendra réelle que si on y croit réellement. Si le dirigeant lui-même n’y croit pas, alors personne n’y croira et rien ne changera. L’élément déclencheur qui transformera le désir ou la peur en action est la certitude de réussir, ou tout du moins la certitude du modèle qu’on a défini. Ce n’est pas une question de vérité scientifique, mais de croyance en son projet.
La matrice ci-dessous montre ce lien entre la peur, le désir et la croyance.
Le premier axe est celui du ressenti : Est-ce que je ressens du désir ou de la peur face à mon projet ? Si je ressens du désir, je chercherai à concrétiser mon idée. Si je ressens de la peur, je vais probablement me désengager pour trouver une solution différente ou bien renoncer.
Le second axe est celui de la croyance. Suis-je certain ou non du potentiel ou du réalisme de ce projet ? S’il me semble incertain, que je ne crois pas en lui, je n’engagerai pas d’effort. Si à l’inverse, j’ai la certitude qu’il réussira, alors j’aurai toutes les raisons de me lancer activement. Selon l’intensité de cette croyance, j’amorcerai une dynamique plus ou moins importante.
Le lancement d’un projet regroupe des critères d’ordre factuels et raisonnés mais aussi de nombreux facteurs de croyance. Ce sont ces facteurs de croyance qui créeront ou non la dynamique et l’engagement. En effet, un projet est la « projection dans l’avenir » d’une idée présente (pro-jeter, c’est-à-dire « jeter en avant »). L’ensemble de la démarche d’un projet (qu’il soit professionnel ou personnel), nous oblige à mettre au clair de nombreuses incertitudes liées à des événements futurs. Celui qui ne croit pas en l’avenir de son projet ne peut le démarrer, ou avancera en marche forcée dans le doute.
Prenons l’exemple d’un recrutement.
Si je réponds à une offre d’emploi, c’est tout d’abord parce que je crois qu’elle correspond à mon parcours, mes compétences, mes aspirations professionnelles et que je me sens capable d’assumer le job. J’ai ainsi déjà mis en avant quatre croyances différentes :
De son côté, le recruteur me convoquera parce qu’il aura perçu dans ma candidature un potentiel. Sans en être sûr, il voudra le vérifier. Il me recevra alors pour une série d’entretiens et au final pourra me juger : « je pense qu’il fera l’affaire », « je crois qu’il fera l’affaire », « je suis sûr qu’il fera l’affaire ». A travers ces phrases, il ne fait qu’exprimer un niveau de croyance dans mon potentiel et ce, en adéquation avec le poste. Le recruteur met donc en avant également quatre croyances :
L’acte de recrutement, à travers cet exemple, n’a apporté aucune certitude, et aucun des éléments de jugement n’est quantitatif, réellement raisonné, légal ou correspondant à une norme. Les deux acteurs en questions s’évaluent et se jugent à travers un système de croyances qui leur est propre. En l’occurrence un système de huit croyances. Chacun peut ensuite ajouter différents critères plus personnels, comme la capacité du manager à gérer cette personne, un lien amical potentiel, l’aptitude du candidat à évoluer dans l’entreprise, le temps de sa formation, etc.
Le candidat ne rejoindra l’entreprise que si les deux protagonistes ont une croyance mutuelle.
Prenons un second exemple tout aussi parlant et qui illustre parfaitement la croyance à travers la notion de conviction.
Le mot conviction du latin convictio a d’abord été employé dans le domaine juridique au sens « d’action de prouver la culpabilité de quelqu’un ». Il est ensuite passé dans l’usage général avec le sens de « certitude, assurance ». C’est cette définition qui est intéressante car le mot porte dans son évolution historique la nécessité de prouver tout en apportant des certitudes.
Prenons en exemple le projet de lancement d’une nouvelle activité ou ligne de produit dans une entreprise X comme il y en a des dizaines de milliers chaque année. Quelle est l’origine de l’idée de ce projet ? Certainement pas une batterie de consultants qui auraient traité tous les critères du monde pour aboutir à cette unique solution rationnelle. Dans la réalité, l’idée initiale vient généralement d’un faisceau d’indices, d’observations, d’informations qui forgent une conviction, de la direction ou des équipes opérationnelles.
Mon expérience dans les grands groupes, comme les PME me conforte dans cette pensée. Dans la plupart des cas, dans l’acte de prise de décision stratégique, la raison n’est là que pour prouver la véracité ou le bien-fondé d’une intuition initiale. Cette intuition se transforme alors en conviction.
L’expérience des managers les met généralement rapidement sur la bonne voie, ce qui leur permet de ne pas (trop) se tromper. Mais il arrive souvent que des projets ambitieux s’approchent parfois du fantasme. Dans ce cas, des études permettent soit de valider l’idée d’origine, soit de l’ajuster afin d’en garantir le succès. Quel que soit le projet, le chef d’entreprise cherchera à valider sa conviction, pour la transformer en certitudes qui l’amèneront à confirmer son idée.
Si le faisceau d’indices est assez convaincant, ce dirigeant passera le cap de la réflexion à la décision puis à l’action. Il accèdera mécaniquement de l’idée, au projet réel.
Extrait de « Inventons l’entreprise du 21ème siècle » Ed Kawa